Glorieuse Révolution (La) de 1688 à 1701

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Cadrage du Bulletin Officiel

  • La Glorieuse Révolution est souvent considérée comme le moment fondateur du système constitutionnel britannique actuel. Elle marque à la fois la résolution des violentes querelles étatiques et religieuses du XVIIe siècle et l’avènement d’une stabilité politique durable reposant sur l’affirmation du rôle du parlement face à la couronne. La crise de 1688-1689, qui voit Jacques II s’exiler en France, puis sa fille Marie et son gendre, le Hollandais Guillaume d’Orange, accéder conjointement au trône, génère de profondes transformations constitutionnelles, politiques et religieuses dans l’ensemble des Îles britanniques, que la décennie suivante, jusqu’à l’Act of Settlement (1701), confirme.
  • Dans la mesure où l’on touche ici à un véritable mythe national, il conviendra tout d’abord de connaître les principales interprétations historiographiques. On a longtemps fait de cette révolution « tranquille » l’expression même du «génie politique anglais» qui, alliant rupture et continuité,aurait, dans un esprit de compromis donné naissance à la monarchie parlementaire sans grand traumatisme et sans effusion de sang. D’autres y ont vu une simple affaire dynastique ou « révolution de palais » fondamentalement conservatrice, qui a empêché la souveraineté populaire de s’affirmer et qui a permis à l’Ancien Régime de perdurer tout autant qu’à l’idéologie de la propriété privée de croître. D’autres encore parlent d’une invasion militaire étrangère motivée par des ambitions purement personnelles et par des préjugés religieux rappelant les guerres de religion. Plus récemment, la Glorieuse Révolution a été replacée dans le cadre plus large d’une histoire de l’émergence de l’État bureaucratique en Europe.
  • On s’interrogera sur les causes immédiates et profondes de cette révolution et l’on étudiera le paysage politique dans lequel elle s’insère:
  • la dissension entre factions Whig et Tory née à la fin des années 1670 et renvoyant à des clivages sociaux, économiques, politiques et religieux (parlement contre couronne; non-conformistes contre Église ; intérêts marchands contre intérêts fonciers), pour beaucoup hérités de la première révolution du milieu du siècle.
  • les politiques de Jacques II et les représentations qu’ont pu en avoir ses sujets: Jacques II est-il un absolutiste en puissance enviant le pouvoir de Louis XIV, un modernisateur de la bureaucratie et de la politique étrangère, un despote éclairé avant l’heure prônant la tolérance, un roi pieux cherchant essentiellement le bien de ses sujets coreligionnaires ?
  • la nature et le degré d’opposition à Jacques II: le pays est-il proche de la rébellion ou une intervention extérieure est-elle nécessaire afin de briser les blocages internes? Comment le revirement des Tories, soutiens de Jacques II au début de son règne, mais ensuite aliénés par une politique religieuse considérée comme une menace pour l’Église épiscopale d’Angleterre, s’articule-t-il sur le plan local et national à la volonté réformatrice des Whigs? Quelle est l’ampleur et quel est l’impact de la panique collective qui s’installe au sein du peuple, habitué à associer «papisme» et «tyrannie», face aux rumeurs de complots et de massacres catholiques? Quelles sont les motivations personnelles, stratégiques, géopolitiques du Stadhouder Guillaume et comment s’est-il adressé à l’Angleterre ?
  • On rendra ensuite compte des événements de 1688-1689 en tant que crise familiale et dynastique, crise constitutionnelle et crise religieuse. On s’intéressera particulièrement à l’élaboration d’un nouveau consensus politique sous l’égide du Convention Parliament, suite au débarquement de la flotte de Guillaume et à la fuite de Jacques II. Le parlement se divise quant à l’interprétation qu’il faut donner aux événements récents et aux résolutions à prendre pour l’avenir, de même qu’il se heurte aux nouvelles vues de Guillaume sur la couronne. Un compromis est néanmoins atteint entre doctrine constitutionnaliste whig de la résistance et doctrine tory de l’obéissance passive. Une concession est faite au droit divin: la monarchie ne devient pas élective, car la couronne est offerte conjointement à Guillaume, monarque de facto, et à Marie, héritière Stuart légitime. Des dispositions sont prises pour contraindre les nouveaux monarques à agir selon la loi et en collaboration avec le parlement, au centre desquelles se trouve la Declaration of Rights. Le statut de ce texte et sa portée sont ambigus. Guillaume le fait adopter en tant que loi (Bill of Rights), sans toutefois lui accorder de valeur contractuelle et sans prévoir un dispositif qui contrôle sa mise en application. Des limites nouvelles sont imposées à la prérogative royale, mais elles sont en fait conçues comme la réitération des droits ancestraux du parlement et non comme une restructuration du système monarchique. L’urgence est au pragmatisme. On applaudit l’heureuse issue trouvée à la crise, et l’on parle de « Glorieuse Révolution ». Pourtant, le nouveau consensus n’est pas sans faiblesse. Les options les plus radicales, qu’elles soient républicaines ou contractualistes (Le Traité du Gouvernement Civil de Locke est publié en 1690), très minoritaires, sont écartées. Les divisions entre Whigs et Tories réapparaissent, notamment concernant les affaires religieuses. La vision low church de l’Église, qualifiée de latitudinarienne, qui cherche l’intégration au sein de l’Église des protestants non-conformistes par une certaine souplesse doctrinale, s’oppose à la vision high church, plus hiérarchique et plus disciplinaire. On opte encore une fois pour le compromis, en tentant par la loi dite Toleration Act de gommer ces antagonismes : l’Église n’est pas restructurée ; on donne la liberté de culte public aux non-conformistes, mais aucun droit civique  ; antitrinitariens, juifs et catholiques sont quant à eux totalement exclus. Les Tories craignent que la caution (même modeste) à présent donnée à un certain pluralisme religieux, menace la position centrale de l’Église d’Angleterre.
  • Si l’exclusion de tout catholique à la succession au trône, garantie par la Bill of Rights, fait l’unité au parlement, elle est source de divisions dans les trois royaumes. Est ici posée la question de l’émergence du jacobitisme. Il conviendra pour ce faire d’envisager qu’il n’y a pas eu une seule révolution, mais bien trois, dans trois royaumes différents, et d’étudier quel impact l’une a pu avoir sur les deux autres, et réciproquement. En Écosse, on assiste à une révolution beaucoup plus radicale qu’en Angleterre, qui met en avant la nature contractuelle de la monarchie, restreint avec plus de vigueur le pouvoir royal et abolit l’épiscopat. Des contre-offensives ont lieu mais elles sont écrasées en l’espace de deux ans. L’Irlande catholique et jacobite affirme quant à elle son indépendance par rapport à l’Angleterre et Jacques II l’utilise comme base de lancement de sa reconquête du trône. Le conflit meurtrier dure deux ans, la bataille de la Boyne en 1690 annonçant la victoire orangiste finale de 1691. Ces développements ouvrent plusieurs pistes de réflexion. Premièrement, les combats menés et le sang versé, surtout en Irlande, mettent en perspective la représentation traditionnelle et anglo-centrée d’une révolution pacifique. Deuxièmement, naissent à ce moment des clivages durables dans les deux royaumes. En Irlande commence une période punitive alliant la confiscation des terres à la réduction des droits des catholiques. Troisièmement, les politiques irlandaises et écossaises gagnant en autonomie, se développe par réaction une volonté centralisatrice qui mènera plus tard à l’union des États anglais et écossais et à la formation d’un royaume de Grande-Bretagne en 1707.
  • Enfin, il sera nécessaire de s’intéresser au prolongement de la Révolution dans les années 1690. Les conflits armés en Irlande et en Écosse sont le premier épisode d’une longue guerre que mène Guillaume III avec ses alliés européens contre la France jusqu’en 1697. Cette décennie voit aussi l’adoption d’une série de mesures qui limitent de manière significative le pouvoir du monarque, de l’obtention par le parlement d’un droit de regard sur les finances publiques en 1690, jusqu’à l’Act of Settlement de 1701 qui réaffirme les règles de succession du Bill of Rights et tente une séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. L’étude des changements constitutionnels postérieurs à 1689 devra se faire de manière très ciblée, dans le seul but de déterminer si la Glorieuse Révolution fut une réelle rupture dans les pratiques et mentalités politiques. Le consensus ambigu et fragile établi en 1689 s’expose en effet à des interprétations multiples et contradictoires : la politique de guerre de Guillaume III serait l’expression paradoxale d’un autoritarisme royal et d’une dépendance croissante de la couronne envers le parlement ; l’opposition des Tories à la guerre qui se manifeste par exemple par le Triennial Act (1694) fixant les élections des Communes tous les trois ans et présidant à l’éclosion d’une véritable vie politique des partis, devrait se comprendre dans la continuité des pratiques de partage du pouvoir au XVIIe siècle ; inversement, les Whigs, le cœur du « parti de la guerre », voient en cette dernière le moyen stratégique de consolider les acquis de 1689 que sont la pérennité du protestantisme et les droits parlementaires : et s’ils dotent l’État d’un appareil administratif et financier jamais égalé auparavant, ils le mettent sous le contrôle du parlement – la Révolution aurait donc transformé les mœurs politiques et les ambitions parlementaires.

Bibliographies

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